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Focus technique - le polissage du riz

En mars dernier, nous étions dans la région de Kochi pour rendre visite à plusieurs producteurs, l'occasion de passer dans l'unité de polissage de riz de Kuyohiko Takeuchi. Un moment que nous avions envie de partager avec vous comme une plongée au cœur de l'étape la plus préliminaire et déterminante de la fabrication du saké. Car le "seimaï" conditionne non seulement la catégorie à laquelle le saké va appartenir, mais va aussi influencer grandement ses caractéristiques gustatives.
L'intérieur d'une unité de polissageL'intérieur d'une unité de polissage.

Une unité de polissage moderne est un lieu dans lequel on retrouve différentes zones : une pour la réception et le stockage du riz qui provient des dernières récoltes. Il est conditionné en sacs de 50 Kg. Une zone où est effectué le polissage et dans laquelle on trouve une série de larges silos. Ce sont les machines dédiées au polissage. Une zone de tri et de conditionnement et enfin, une zone où est stocké le riz poli avant expédition aux différentes brasseries de saké.
sacs de riz dans l'unité de polissage
Stockage du Nuka
Différents riz à saké
Mais avant d'en arriver à une telle structure, il faut se rappeler que l'histoire du polissage débute véritablement dans le courant du VIIème siècle avec l'apparition au Japon d'une technique à roues hydrauliques importée de Corée. Puis, durant la période Edo (1603-1868), l’émergence d’un certain sens du raffinement dans la société japonaise et la recherche de produits plus élégants va permettre à un développement significatif de cette pratique. De nombreuses brasseries sont créées à cette époque et les producteurs commencent à inclure le polissage comme une étape à part entière du processus d'élaboration du saké, l'idée étant de soigner davantage la qualité. Au fil du temps, les techniques se sont perfectionnées et c'est au XXe siècle que l'amélioration des machines va permettre un polissage très poussé, synonyme aujourd'hui de sakés haut de gamme.
Ancienne machine pour polir le riz
Ancienne machine pour polir le riz
Ancienne machine pour polir le rizAncienne machine pour polir le riz.

L'intérêt que l'on retire du polissage est à lier avec la structure du grain. Il faut savoir que les souches de riz utilisées pour l'élaboration du saké sont différentes de celles de consommation courante. Le grain de riz à saké est plus gros, plus riche en amidon et surtout doté dans la plupart des cas d'un "shinpaku", une inclusion centrale opaque, blanche et tendre. Dans ce cœur dense, la conversion de l’amidon en sucres simples par les enzymes du koji est favorisée, le riz est donc plus facile à liquéfier.
Riz à saké après étape du polissageRiz à saké après étape du polissage.

Mais le shinpaku est la part visible de cette hétérogénéité et les couches externes sont quant à elles riches de nombreux autres éléments tels que les protéines, acides aminés, lipides, acides gras, vitamines, et minéraux. La présence ou non de ces éléments va considérablement influencer l'efficacité des levures dans les fermentations et au final, les caractéristiques gustatives du saké.

Pour comprendre le principe général du polissage, retournons aux temps anciens. Traditionnellement, il était réalisé à l’aide de machines à roues, ou d’un système de mortier-pilon, des méthodes rudimentaires, longues et souvent destructrices pour les grains. À la fin du XIXe siècle, la première machine Satake voit le jour, et permet d’atteindre un taux de polissage record de 75%. C'est dans les années 1930 qu'apparaissent les première polisseuses verticales, offrant des possibilité plus poussées encore. Toutefois, peu de kura peuvent se permettre d'investir dans des machines aussi coûteuses et c’est pourquoi elles font généralement appel à des prestataires spécialisés.
Différents riz selon leur taux de polissageDifférents riz selon leur taux de polissage.

Le fonctionnement d'une machine moderne se base sur un principe assez simple. Le riz est introduit dans la polisseuse à l'intérieur de laquelle une roue hydraulique tourne sur elle-même pour doser précisément la quantité de grains à envoyer dans la chambre de polissage. Le polissage s’effectue alors entre une meule en rotation et une cage fixe. Durant ce processus, le grain chauffe et perd une partie de son humidité, ce qui le rend plus cassant. À mesure qu’il perd ses couches externes, le grain devient de plus fragile, ce qui impose de réduire progressivement la vitesse de rotation afin de préserver son intégrité. Ce phénomène explique pourquoi il faut plus de 60 heures pour atteindre un taux de polissage de 35 %.
À l’issue de chaque cycle, les grains ressortent par la même roue qu’ils ont empruntée à l’entrée, et un nouveau cycle peut être engagé si nécessaire. Pendant ce temps, la poudre de riz issue du polissage est évacuée à travers un tamis. Ce composant est appelé "nuka" (voir encadré).
Ouvrier qui travaille dans l'unité de polissage
Ouvrier qui travaille dans l'unité de polissage
Le taux de polissage, autrement appelé "semaïbuaï", est une valeur qui exprime le pourcentage de riz restant par rapport au grain initial (considéré comme le "100%"). Il est déterminé par la soustraction entre le poids du riz à l'entrée et le poids à la sortie. Les valeurs remarquables du semaïbuaï sont 70%, le taux minimum à atteindre pour un Honjozo, 60% pour un ginjo et 50% pour un Daïginjo. (Anciennement, le riz utilisé pour la production des junmaï devait également être poli à 70% minimum, mais ce n'est plus impératif depuis 2004).
Et comme les extrêmes sont toujours fascinantes dans ce contexte, citons le saké Kameman Genmaïshu qui est produit avec un riz Genmaï, c’est-à-dire pas du tout poli, et à l'opposé, le saké Komyo de chez Tatenokawa qui est produit avec un riz poli à hauteur de 1% !
Différents niveaux de polissage du rizDifférents niveaux de polissage du riz.

Il existe différentes variantes techniques pour réaliser le polissage, des méthodes plus ou moins complexes choisies selon les souhaits du producteur de saké. Parmi celles-ci, citons:  

Le polissage centrifuge qui utilise une force rotative pour abraser les grains de manière plus uniforme et douce que les méthodes traditionnelles. Cette technique réduit les brisures, limite la chaleur et préserve le shimpaku. Plus longue mais plus précise, elle permet d'atteindre des taux de polissage extrêmes. 

Le polissage à faible pression (Soft Milling) qui réduit progressivement la couche externe du riz en appliquant moins de pression et de friction que les méthodes classiques. Plus lent mais plus précis, il limite la chaleur et les cassures, préservant ainsi mieux l’amidon du grain.

Le polissage asymétrique qui enlève le son de riz de manière irrégulière, en préservant davantage le cœur amidonné tout en réduisant les pertes inutiles. Contrairement au polissage classique, il cible spécifiquement certaines zones du grain, optimisant ainsi la fermentation. 

Le Henpei Seimaï, littéralement "polissage à plat". C'est une autre méthode de polissage sélectif qui consiste à enlever les couches externes du grain de manière inégale, de sorte qu'une partie du riz est polie plus finement que d'autres. Cela permet de conserver certaines zones du grain riches en amidon tout en éliminant les parties plus lourdes et moins désirables. Le Genkei Seimaï, une variante de la précédente et la technique la plus récente, qui consiste à polir le riz en suivant sa forme initiale (Genkei = même forme).


Le polissage du riz est désormais assuré par des machines modernes dont l'ingénierie est d'une remarquable sophistication. Elles allient précision et efficacité, domaine dans lequel les japonais excellent. Nous avons eu la chance de voir au travail une machine Satake couplée à une trieuse laser. Le riz est non seulement poli avec une précision ultime, mais il est aussi trié avec une efficacité phénoménale en sortie de colonne, avant son conditionnement.
Machine Satake pour polir et trier le riz
Machine Satake pour polir et trier le rizMachine Satake pour polir et trier le riz.

 Il est fascinant d'observer les grains passer à une vitesse phénoménale à travers une plaque oblique traversée par un faisceau laser qui permet de détecter et de chasser instantanément le moindre grain porteur d'imperfection.


Nous aimons rappeler lors des dégustations et discussions qu'il serait dommage de réduire la qualité d’un saké au degré de polissage du riz utilisé dans sa production. Il est important d'explorer, goûter, savourer toute la diversité et les nuances qu'offre cette boisson sans se limiter à une catégorie.
Résidu de l'étape de polissage, le nuka
Le nuka correspond au résidu de l'étape de polissage, une fine poudre d’amidon, une farine de riz ultapure qui possède des propriétés intéressantes et qui trouve des applications surprenantes. En effet,  le nuka est de plus en plus utilisée dans l’industrie cosmétique haut de gamme, où elle est prisée pour ses vertus douces et hydratantes. L’amidon de riz est particulièrement apprécié dans les soins de la peau, intégré dans des produits comme les poudres, les crèmes et les masques, grâce à sa texture soyeuse et ses propriétés apaisantes. Il se dit dans le monde du saké que les Toji sont les personnes qui ont les mains les plus douces au monde !