L'AWAMORI, AUX ORIGINES DES DISTILLES JAPONAIS

L'Awamori est une boisson alcoolisée traditionnelle de l'archipel d'Okinawa, produite à partir de riz fermenté puis distillé, et titrant de 35 à 60% degrés d’alcool par volume. L'awamori apparaît dans cette région il y environ 600 ans, lorsque les alambics en provenance du moyen orient arrivent en Asie.

Les techniques de fabrication sont largement inspirées de celles mises en place sur l'île toute proche de Taïwan. C'est d'ailleurs d'Okinawa que vont partir les premiers alambics et les spécialistes de la distillation dans le reste du Japon, pour donner naissance notamment au shochu de l'ile de Kyushu.

shisa, emblème d'Okinawa - shisa, Okinawa emblema

L'ELABORATION DE L'AWAMORI


Contrairement au saké, ce n'est pas du riz rond (riz japonica), mais du riz long (de type indica) qui est utilisé pour la production d'awamori. Ce riz est cultivé en Thaïlande et symbolise en quelques sortes l'alliance passée et les échanges qui existaient entre ces deux régions du sud de l'Asie. L'élaboration d'awamori nécessite deux grandes étapes, une fermentation du riz, puis une distillation.

1. Préparation et ensemencement du riz par le champignon koji
Le riz est débarrassé de sa cuticule, lavé à grande eau puis cuit à la vapeur. Il est ensuite ensemencé par le champignon Koji, selon le même principe que celui mis en place pour la production de saké. Cette étape dure 2 à 3 jours.

La particularité dans le cas de l'awamori est que la totalité du riz est ensemencé par le koji, c'est ce l'on appelle "zen oji zukuru", en opposition avec la production du saké où seulement 20% du riz reçoit du koji.

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Le Koji Awamori :
Le Koji utilisé pour la production d'Awamori est du "koji noir", ou "kuro Koji" en japonais. Sa souche a été découverte à Okinawa et son nom scientifique est en rapport direct aves ses origines : Aspergylus awamori. Il est particulièrement résistant aux températures élevées et à un environnement humide. C'est pour cette raison que son utilisation s'est développée dans cet archipel au climat tropical. Le Koji awamori aurait donné naissance au Koji utilisé dans la production de Shochu, dans la région de Kyushu. Il permet de transformer les macromolécules d’amidon contenues dans le riz en sucres simples. Cette étape est très importante car l’amidon ne peut pas fermenté directement en alcool sous l'action des levures. (pour plus de détails, se rapporter à la section production du saké).

kuro koji pour awamori

2. La fermentation du riz
Le mélange riz + koji va être ensuite recevoir les levures qui vont fermenter les sucres simples en alcool. Le koji est toujours présent et, du fait du travail simultané du koji et des levures (et sachant que tout le riz est ensemencé avec du koji), la disponibilité en sucre fermentescibles est très importante. Ceci conduit à une fermentation extrêmement efficace, amenant la teneur en alcool plus de 20% par volume ! L'efficacité de la fermentation est d'ailleurs à l'origine du nom Awamori, qui signifie "grosses bulles" en japonais, en rapport avec celles observée pendant cette phase de la production.

melange des cuves de fermentation du riz - stiring rice fermentation tanks riz fermenté - fermented rice

3. La distillation
La distillation s’opère dans un alambic traditionnel chauffé directement par une flamme alimentée en air par de gros ventilateurs. Le moromi est distillé une fois et sort en 4 heures à 70 % d’alcool par volume, le produit final, l’awamori titrant après dilution aux alentours de 30°, sauf pour ce produit particulier qu’est l’hanazake qui titre 60°.

alambic traditionnel pour awamori - traditionnal alambic for awamori alambic pour awamori - alambic for awamori chauffe direct de l'alambic - direct heating of the alambic mesure de la teneur en alcool en sortie d'alambic - mesuring alcohol content out of alambic

4. Maturation
En fin de production, un ajustement avec de l’eau de source est effectué pour ramener l'Awamori à une teneur en alcool de 30 à 35% environ. L’awamori va ensuite vieillir en cuves puis dans des jarres en terre, les "kame". Le processus de vieillissement dure au moins trois ans ; on obtient alors du "Ku-su". Le vieillissement est une longue tradition à Okinawa car les réactions se produisant dans ces pots de terre vont véritablement changer les saveurs de l'Awamori. Celles-ci vont s’arrondir et donner une sensation plus douce au produit final.

bouteilles d'awamori - awamori bottles jarre contenant de l'awamori - awamori jar

DEGUSTER UN AWAMORI

Traditionnellement, l'awamori se déguste tel quel, avec de la glace et parfois allongé avec de l'eau. Il fait partie intégrante de la culture culinaire d'Okinawa. Il accompagne particulièrement bien la cuisine rustique du Ryukyu (ancien nom de la région) : les poissons comme le thon ou l'espadon, la viande de porc noir qui est une spécialité d'Okinawa, les légumes crus tel que le goya, les algues.

L'awamori est une vraie boisson de dégustation. Il peut se consommer tel quel, avec de la glace, et peut accompagner les plats en sauce, les carpaccios de poisson ou de viande, ou encore être servi en digestif pour les versions non réduites. Il est aussi utilisé une comme base de cocktail très originale.

awamorito Awamori passion fruit awamori cherry

Quelques cocktail découverts au Summer Glass, sur l’ile d’Ishigaki, un bar spécialisé dans les cocktails à base d'awamori.

  • Awamojito : Mojito à l’awamori. Awamori, feuilles de menthe, sucre de canne, soda.
  • Frozen awamori passion : fruit de la passion frais, crème de fruit rouge, awamori.
  • Awamori cherry : awamori, liqueur de cerisier, jus de pamplemousse frais, ginger soda. 

HISTOIRES ET TRADITIONS AUTOUR DE L'AWAMORI 

Opération Iceberg
Durant la Deuxième Guerre Mondiale, la bataille d'Okinawa, baptisée "opération iceberg", fut la plus grande bataille de la Campagne Pacifique et dura de mars à juin 1945. Pour les forces américaines, Okinawa représentait la dernière étape avant l'invasion des îles principales du Japon.

Les bombardements étaient intenses et certains villages furent complètement détruits. On raconte qu'un stock gigantesque de jarres contenant de l'awamori vieux de plus de 400 ans a été anéanti. Cet awamori datait d’une époque où l’archipel d’Okinawa ne faisait pas partie du Japon, mais formait, avec les iles alentours, le royaume de Ryukyu.

Les rites funéraires
L’hanazake est cet awamori à 60° qui n’a pas été réduit par l’ajout d’eau. Seule l’ile de Yonaguni en produit et son origine viendrait de Taïwan qui produit du « Corian », une sorte d’eau de vie dont l’intérêt pharmaceutique ne fait là-bas pas l’ombre d’un doute. C’est il y a une centaine d’année, lorsque les échanges se multiplièrent entre Taïwan (occupé alors par l’armée japonaise) et Yonagui, que cette dernière commença à en produire.

L’hanazake est fortement lié aux célébrations mortuaires. En effet, à Yonaguni, les défunts ne sont pas incinérés, mais placés dans un cercueil avec deux jarres d’Hanazake. Le cercueil est déposé dans des tombes monumentales creusées dans la roche des collines du bord de mer.

Sept ans plus tard, à la date anniversaire de la mort, les corps sont sortis de leurs cercueils ; leur état de décomposition est tel que seuls les os subsistent. C’est le moment pour les proches de se réunir, d’ouvrir l'une des jarres d’Hanazake conservée par le défunt, et d’utiliser son contenu pour lui nettoyer les os. Ceci étant fait, le fond de la jarre sert à démarrer l’incinération de la dépouille. La deuxième jarre d’Hanazake est consommée par les hommes participant au rituel, en hommage à la mémoire du défunt. Les femmes, qui ne boivent pas, récupèrent quelques gouttes de cette eau de vie pour se passer de cet élixir sur les endroits blessés de leur peau.