Atypique, voire sulfureux, connaissez-vous le Doburoku ?
L'arrivée de cette nouveauté nous a donné envie de vous parler d'une catégorie vraiment atypique dans le monde des boissons alcoolisées japonaises, la catégorie des Doburoku.
Véritable plongée dans les traditions du saké, le Doburoku est une boisson trouble dans tous les sens du terme. Longtemps produite de façon domestique avant de se voir complètement interdite, puis de nouveau autorisée, sous contrôle, son originalité séduit aujourd’hui nombre d'amateurs en quête d’authenticité, sans compter le frisson lié à son histoire quelque peu sulfureuse...
Le Doburoku est une forme primitive de saké. Il est bien entendu issu de la fermentation du riz mais, contrairement aux sakés raffinés, il n'est pas filtré, conservant ainsi une texture onctueuse et une saveur douce, équilibrée par une pointe d’acidité.
Fermentation du riz en cuve pour la production du Doburoku.
Autrefois boisson du quotidien dans les familles d'agriculteurs, le Doburoku était omniprésent dans le Japon de l'ère Edo. En 1855, rien qu'à Tokyo, on recensait plus de 450 brasseries ! Cependant, l’instauration de taxes sur l’alcool par l'administration centrale, a entrainé une diminution drastique de sa production jusqu’à son interdiction totale en 1899. Le Doburoku est alors entré en clandestinité, continuant d’exister secrètement, dans l’ombre du saké.
Carte ancienne de Tokyo (c. 1850). A cette époque, Edo comptait plus de 450 producteurs de doburoku.
De nos jours, sa production est strictement encadrée, les riziculteurs et les brasseries perpétuent ce savoir-faire ancestral, tout comme certains sanctuaires qui le font découvrir aux participants des nombreux festivals et cérémonies.
Nous avons le plaisir de vous présenter aujourd'hui Kappa no Doburoku, "le Doburoku de Kappa". Il est trouble, épais, rustique tout en étant super vif, perlant et presque pétillant. Un témoignage du passé, doublé d'un petit goût d'interdit. Bien que les bouteilles aient une contenance de 900 ml, le Kappa figurant sur l'étiquette n'a pas résisté à l'envie de prendre une gorgée pour lui-même, réduisant ainsi le volume réel à 720 ml.
Moins doux que son apparence ne pourrait le laisser penser, il accompagne à merveille les antipasti salés, le jambon cru, la boutargue, le vieux parmesan, mais aussi les plats simples de l'instant comme un filet de volaille ou des calamars grillés à la plancha surmonté d'une pointe de fleur de sel. Une gourmandise !
La brasserie qui produit Kappa No Doburoku s'appelle Kumazawa, une unité familiale située à Kanagawa, au cœur du cadre idyllique de la côte de Shonan. Cette zone touristique balnéaire est très prisée des Tokyoïtes, un paradis pour les baigneurs où l'on surfe avec une vue imprenable sur le mont Fuji !
La famille Kumazawa s'est installée dans la région pour cultiver la terre et a profité assez rapidement de ses propres récoltes de riz pour se lancer dans la production de saké. C'est ainsi que fût fondée la brasserie en 1872. Elle est aujourd'hui la seule de la région à avoir survécu aux différentes crises, comme le grand tremblement de terre de 1923 et la Seconde Guerre mondiale. Depuis les années 90, la sixième génération de propriétaires a donné un nouveau cap en s'appliquant à la création de sakés de qualité et en misant sur l'accueil des visiteurs.
Si vous avez la chance de vous rendre dans la région, ne manquez pas de vous arrêter à Kumazawa car c'est bien plus qu'une brasserie de saké : c’est un lieu de rencontre et de culture avec notamment un café, une boutique, un jardin et plusieurs restaurants.
Quant au personnage figurant sur l'étiquette, c'est un Kappa, un esprit aquatique du folklore japonais aussi fascinant qu’inquiétant. Doté d’une carapace de tortue et d’une passion dévorante pour les concombres, ce yokaï vit dans les rivières et les étangs. Autrefois craint pour ses tendances à attirer les enfants sous l’eau, un avertissement contre les dangers des cours d'eau, l'image du Kappa s’est adoucie avec le temps et il est aujourd'hui une mascotte très populaire. On raconte qu'à Chigasaki, un Kappa offrit une carafe de saké inépuisable à l’homme qui lui avait sauvé la vie, un cadeau aussi merveilleux que pernicieux !
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